C’est une nouveauté dans le paysage politique japonais, férocement bipartite : ce samedi a été créé “Greens Japan” (Verts Japon), un parti écologiste. Il regroupe“un ensemble de personnes assez jeunes, qui ne sont pas issues de mouvements politiques plus anciens, mais plutôt de la mobilisation sociale et d’instances locales”, explique Jean-François Sabouret, chercheur au CNRS.
“Des tentatives de partis écolos ont existé par le passé au Japon, mais toutes ont échoué”, rappelle le chercheur. Pour se donner de l’importance, Greens Japan envisage de s’associer aux partis Verts européens, et à l’ONG internationale Greenpeace. Mais pour que le nouveau parti puisse s’installer dans la durée, “Il faudrait que le mouvement anti-nucléaire s’accentue”.
Ce mouvement anti-nucléaire japonais a pourtant déjà atteint une ampleur considérable. Depuis quelques semaines, la lutte s’organise afin d’empêcher le redémarrage des réacteurs nucléaires, tous arrêtés début mai par le gouvernement. Dimanche, au lendemain de la création du parti Vert, entre 10 000 (selon la police) et 200 000 (selon les organisateurs) personnes avaient encerclé le Parlement à Tokyo en créant une chaîne humaine autour du bâtiment, à la lueur de bougies.
Depuis avril 2012, tous les vendredis soirs, les anti-nucléaires ont pris l’habitude de se rassembler pour manifester devant la résidence du Premier ministre. Le 16 juillet, entre 75 000 (police) et 200 000 (organisateurs) personnes se sont réunis à Tokyo, un exploit au Japon, où des manifestations de cette ampleur n’avaient pas eu lieu depuis les années 60. Malgré la pression de la rue, deux des cinquante réacteurs ont rédémarré depuis le mois de juin.
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Selon un sondage du Pew Research Center de Washington, deux-tiers des Japonais sont favorables à une sortie du nucléaire. Des intellectuels, comme le prix Nobel Kenzaburô Ôe, l’écrivain Haruki Murakami et le journaliste Kamata Satoshi soutiennent le mouvement. Kenzaburô Oe a remis le 15 juin dernier une pétition, signée par 7,5 millions de personnes, au Premier ministre, Yoshihiko Noda. Des politiques ont eux aussi rejoint le camp des anti-nucléaires : le maire de la ville d’Osaka, mais aussi l’ancien Premier ministre, en charge au moment de la catastrophe de Fukushima en mars 2011, Yukio Hatoyama. Cet engouement pour le positionnement anti-nucléaire n’assure cependant pas un avenir radieux au nouveau parti Vert.
ÉCHÉANCES ÉLECTORALES
Pour le Greens Japan, la première échéance sera sans doute les élections législatives et sénatoriales, prévues à l’été 2013. “Le parti Vert pourrait avoir des postes dans les instances locales, mais au niveau national, cela sera plus compliqué”, estime Jean-François Sabouret. Pour gagner des sièges à ces élections, il faudra faire campagne, et l’argent risque de manquer au jeune parti. Or, “Dans le système clientéliste japonais, celui qui paie, c’est celui qui commande”, précise le chercheur. La solution pour le Greens Japan pourrait être, selon Jean-François Sabouret, de s’associer avec le parti socialiste, “qui a beaucoup déçu dans les années 1995, lorsqu’il était au pouvoir, mais qui est aussi clairement anti-nucléaire”.
Au niveau local, gagner des sièges ne sera pas simple non plus. La défaite du candidat écologique, Tetsunari Iida, lors d’élections partielles dimanche 29 juillet, est en effet un signal négatif envoyé au parti Vert. En lice contre le candidat conservateur Shigetaro Yamamoto pour le poste de gouverneur de la préfecture de Yamaguchi (à l’Ouest du Japon), le candidat anti-nucléaire a perdu avec 185 654 voix contre 252 461 pour son adversaire. Iida Tetsunari, ancien salarié du nucléaire, a décidé au début des années 90 d’arrêter sa carrière, pour seconsacrer à la création de sa fondation pour les énergies renouvelables. Peu de temps avant la défaite d’Iida Tetsunari, un autre gouverneur pro-nucléaire avait été réélu dans la préfecture de Kagoshima.
Laure Beaulieu, Lemonde.fr
07/29/2012 – 12:00